Les Coulommois et Mgr L'Abbé de St Remy en 1647

Introduction : nous proposons la copie d’un document que nous avons consulté aux Archives de la Marne dans le « Fonds de l’Abbaye Saint Remy de Reims », document qui est extrait des Registres du Greffe du Bailliage de l’Abbaye.
Il s’agit du procès verbal des « Plaids » tenus à Coulommes le 24 juin 1647. ( plaids signifiant réunion des habitants d'une communauté, à la demande du seigneur).
On était sous le règne de LOUIS XIV (1643-1715)
Ce document renseigne précieusement sur la vie de nos ancêtres Coulommois il y a plus de 350 ans ! On y apprend tous les interdits qui pesaient sur les habitants, les obligations qu’ils avaient envers l’abbaye de St Remy, les dîmes (ou redevances en nature ou espèces) qu’ils lui devaient sur les grains, le vin, les légumes, les animaux de basse-cour…

Certaines personnes qui le liront auront peut-être plaisir à y voir des patronymes qu’ils connaissent bien, Bardoux, Desjardins, Dorigny, Draveny, Labassé et bien d’autres.


Un petit rappel : comme il est expliqué dans le document : « 1762 Nicolas Bardoux institué garde chasse », les moines de Saint Remy étaient les Seigneurs de Coulommes.



Le 24 juin 1647           
Extrait des Registres du greffe du Baillage de l'Abbaye de St Remy de Reims

L’an mil six cent quarante sept le lundy vingt quatriesme du mois de Juin une heure de relevée nous Claude Souin licencié es loix, Bailly de l’Abbaïe de Saint Remy de Reims terres et Seigneuries en dependantes assisté de Maistre Jean Le Bé procureur au bailliage de Reims commis greffier en cette partie pour Maistre Jean Bazin greffier ordinaire dudit baillage Receveur de la Seigneurie de Coulommes en la Montagne sommes transportez expres audit lieu de Coulommes pour y tenir les plaids generez avec et en la presence de Mr Nicolas Le Clerc Procureur fiscal audit Bailliage. (Voir notes en fin de document)

Par lequel Procureur fiscal a ete dit qu’en vertu de nostre commission d’attée du dixhuitiesme de ce mois il a fait appeller tous les Bourgeois Manants et habitans dudit Coulommes a comparoir cejourdhui heure presente audevant de l’Eglise dudit lieu lieu accoutumé tenir les plaids pour assister et entendre les ordonnances de police et a la reconnoissance des droits deladite Seigneurie dont les noms et surnoms ensuivent

Thomas Malerme Eschevin (Voir notes)
Jean Boucher aussi eschevin
Jacques Draveny eschevin
Jean Labassé L’aisné Procureur d’office
Pierre La Planche Sergent
Gerard Draveny l’aisné          Adrien Maingon
Jacques Touffiée                  Jean Rabaille
Jean Gilbert                         Florent Gilbert
Jean Waffart                        Poncelet Maingon
Thomas Thorigny le jeune      Pierre Draveny
Pierre Aubry                         François Camuset
Guilleaume la Planche            Thierry Dorigny
Remy Draveny                      Jacques Adam
Claude Draveny                     Nicolas Touffier
Thomas Labassé                   Pasquier Maingon
Guilleaume Goyaulx              Jean Itasse l’aisné
Poncelet Desjardins               Gerard Draveny le jeune
Nicolas Ribaille                     Lié La Planche
Claude Saulnier                     Jean Itasse le Jeune
Nicolas Gentil                       Simon La Planche
Thomas Dorigny                   Jean Touffier
Poncelet Dorigny                  Philippe Mousaux
Jean Bardoux                       La Ve Gerard Dorigny
Estienne Durival                   La Ve Jean Waffelart
Thomas Desjardin                 Et la Ve Pierre Bailly
Remy Dorigny

Requerant ledit Procureur fiscal qu’il soit procede a la teneur desdits plaids generez et a cette fin que lecture soit faite a haute voix par le greffier commis tant des ordonnances de police que des droits dependants de ladite Seigneurie.
Faisant droit sur la requeste avons ordonné qu’il sera procedé presentement a la tenure desdits plaids generez, a la lecture des ordonnances de police et des droits dependants de ladite Seigneurie. Et la lecture desquelles ordonnances de police est enjoint aux habitans d’y entendre et obéir sur les peines y portées comme aussi est enjoint au Substitut du Procureur fiscal de les faire diligemment garder et observer et de faire poursuite contre les contrevenants en peine d’en repondre en son nom, même de tenir la main a la conservation des droits d’icelle Seigneurie comme aussi de lever autant des presentes aux depens du Prévost des amendes.
Deffenses sont faites a touttes personnes d’aller la nuit par les rues et places dudit Coulommes avec flambeau et torche alumée araison de l’inconvenient du feu en peine d’amendes arbitraires et de repondre des dommages et interest qui s’en pourroit ensuivre.
Deffenses aussi sont faites au Paistre dudit lieu de mener et conduire les bestiaux sur les terres apres qu’elles seront labourées apeine de trente deux sols parisis d’amende pour chacune fois.
Enjoignons auxdits habitans de Coulomme de se trouver a toutes les assemblées qui seront indite soit au son de la cloche ou autrement en peine contre chacun defaillant sans excuses pertinentes de douze sols parisis d’amende qui se paiera sans deport non obstant opposition ou appellation quelconque.
Enjoignons auxdits habitans qui ont un jardin ou empouilles sur les rues de le clore ensorte que les bestiaux passants n’y puissent facilement entrer. Sinon ne pourront les proprietaires desdits empouilles pretendre aucuns dommages et interest.
Enjoignons aussi aux particuliers de Coulomme qui pretendront avoir souffert dommages et interets par bestiaux echappes ou autrement se pourvoir par visitation dudit dommage en cas qu’il pretende exceder cinq sols parisis jusqu'alaquelle somme ils seront crû par serment suivant la coutume.
Sont aussi fait deffenses a toutes personnes de traverser les empoilles soit a charois pied ou cheval et faire nouveau chemin en peine d’amende arbitraire et dommages et interest.
Suivent les droits appartenants a Mgr L’Abbé de St Remy
Appartient a Monseigneur de Coulomme tous les droits de justice haute moyenne et basse. Avec droit et pouvoir de mettre et établir de par Mgr l’Abbé de St Remy des officiers pour l’exercice d’icelle comme lieutenant, Procureur d’office, Greffier et Sergent qui sont recus par le Sieur Baillis et Procureur fiscal de ladite Abbaïe, a aussi droit de vesture, nantissement, amende et confiscation le cas y écheant.
Plus les grosses dixmes en grains du terroir dudit Coulomme que Pargny et Vrigny a raison de la quinziesme gerbe.
Plus la dixme des vins desdits terroirs a raison de trois pots pour chacun poinçon de vin par les habitans desdits lieux et les forains qui vendangent aux tonneaux suivant les reglements et arrest.
Plus lui appartient les menuës dixmes desdits terroirs comme de legumes qui sont es jardins desdits Coulomme Pargny et Vrigny a raison de quinze gerbes l’une, comme aussi des poulets de quinze l’un, oyseaux, agneaux a raison du treiziesme chacune espece l’un, des chanvres treiziesme pognée et des foins de sept monceaux l’un.
Appartient aussi a Mondit Seigneur le droit de chasse dudit Coulomme.
Appartient aussi a Mondit Seigneur onze jours de terres audit terroir de Coulommes, que tient Pierre Aubry demeurant audit lieu qui en rend trente six livres compris trois pieces de pres l’un lieu dit derriere la fontaine couet et deux autres a la Coquillare.
Deux autres pieces de pres l’une lieu dit au Vivier Jean Robert contenant ensemble vingt quatre hommées.
Le droit de surcens a recevoir sur la maison et enclos appartenant au Sieur Gerard Lespagnol scize audit Coulomme appelée la grande cense a raison de trente sols pa an .
Plus une piece de vigne scize audit Coulomme lieu dit aux gravelles contenant une hommée laquelle est tenue par ledit Aubry avec les terres.
Lesdits habitans ont dit qu’ils ne doivent paier la dixme sur le vin qu’ils tirent du pressoir mais celui de la goutte seulement a raison de trois pots pour chacun poinçon comme aussi ils ne sont tenus d’aucun droit de dixme de cequi provient des jardins et croient en leurs maisons, et que le foin se doit a la raison de treize monceaux l’un ainsi que les autres menuës dixmes.
Ledit fermier a dit que le droit de dixme en vin est de trois pots pour poinçon et sans aucune exception, pourquoi il soutient n’y avoir lieu a ce qu’est representé par lesdits habitans joint la reconnoissance faite par lesdits habitans aux plaids generez tenus en l’année mil six cent treize.
Soutient aussi que lesdits habitans doivent la menüe dixme de tous les legumes en quelques lieux que ce soit même pour le foin a raison de sept monceaux l’un ainsi que lesdits habitans ont reconnu en ladite année mil six cent treize.
Et que lesdits habitans ont persisté en leurs remontrances et moiens avons ordonné que le present proces verbal et anciens plaids generez ensemble les arrests seront communiques au Procureur fiscal pour venir plaider a Mercredy l’audiance, constitueront lesdits habitans Procureur ce qu’ils ont fait de Mr Claude Ernault.
Et sur ce qui a été representé que les eschevins de l’année derniere ont satisfait à l’exercice de leurs charges et est besoin en nommer d’autres avons ordonné qu’il sera procédé a l’election et nomination desdits eschevins.
Suivant ce ledit Bazin a nommé ledit Jean Boucher, lesdits habitans Thierry Dorigny, et lesdits Boucher et Dorigny ont nommé Pierre Aubry present, desquels avons pris et reçu le serment sous lequel ils ont juré et promis de bien et fidelement se gouverner en ladite charge et soigneusement administrer la justice auxdits Bourgeois de Monseigneur.
Et sur cequi a été representé par lesdits habitans pour remedier aux inconvenians et abus dont ils se seroient plains ordonnons qu’il sera procedé cy apres par lesdits habitans en communeauté à la nomination des collecteurs et assceurs des tailles sans que lesdits Eschevins en puissent pretendre cy apres la nomination seuls et en consequence de leur dittes charges.
Et sur la plainte faite a l’encontre dudit Labbassé Procureur d’office de ce qu’il ne se trouve point assidument a l’audience avons ordonné qu’il y sera pourvu par Monseigneur apres qu’il a dit avoir aucune provision de lui ni des Religieux de St Remy. Et neanmoins jusqu'à ce lui enjoignons de continuer et se trouver assidument es jours et heures des plaids pour veiller et conclure alencontre des contrevenants aux ordonnances de police.
Comme aussi enjoignons au Sergent dudit Coulommes de donner les assignations pour les causes excedant la somme de soixante sols tournois par devant nous suivant les lettres en peine d’amende arbitraire et de punition de sa charge s’il y echet.
Et ce requerant ledit Bazin et pour la conservation du droit de dixme faisant deffense aux laboureurs et personnes par eux emploiées d’enlever aucuns grains des moissons avant le soleil levé et apres icelui couché sinon en cas de necessite, et en ce cas sera tenu ledit laboureur ou ceux par lui emploies d’en avertir le dixmeur au lieu ou est la dixme.
Enjoignons aussi auxdits habitans leur vin vendu le denoncer audit fermier au même tems de la vente.
Et sur la plainte faite par plusieurs habitans de l’entreprise qui est faite sur les chemins et sentes avons ordonné que lesdits habitans nommeront quatre anciens dudit lieu pour se transporter sur lesdits chemins et sentes et faire remarquer desdites entreprises et dont ils dresseront proces verbal pour icelui raporté pardevant nous faire droit ainsi que de raison ce qu’ils ont fait des personnes desdits Boucher, Dorigny et Aubry et en la presence du Procureur d’office et greffier dudit lieu qui ont offert ce faire et rapporter ledit proces verbal pardevant nous a de Mercredy en quinze jours.Lesdits Eschevins ont presentement nommes pour coustres de l’Eglise (Voir notes) Remy Dorigny, Thomas Dorigny le jeune coustre des trepassez, et Jacques Touffier coustre des trepassez. Et pour Vignes Jacques Draveny et Nicolas Robail presents qui ont été reçus et presté le serment.
Et sy ont nommé pour gouverneur Jean Bardoux le Jeune et Philippes Mousaux qui ont été aussi recus juré et promis se gouverner en homme de bien.
Et sur ce qui a été representé par lesdits habitans que les coustres n’ont rendu aucun compte il y a long tems, avons enjoint audit Procureur d’office de faire appeler ceux qui ont esté coustres pour representer leurs comptes et a faute de ce obtenir executoire a l’encontre d’eux pour les y contraindre.

Signé Lebé avec paraphe commis greffier

Source : Archives de la Marne, sous-série 56H179, liasse 76/12


Notes :

1- sur la justice seigneuriale : La justice seigneuriale est issue de la féodalité et se caractérise par une délégation du pouvoir royal aux seigneurs. Elle est moins lente et donc moins coûteuse que la justice royale, géographiquement plus proche des justiciables, permet également la diffusion des ordonnances et édits royaux au niveau local, ainsi que l’application des redevances seigneuriales (cens, banalités…)
Les seigneurs ont aussi un rôle de police administrative concernant les poids et mesures, la voirie, le contrôle des prix, les marchés, le fermage, les droits de passage.

Les trois niveaux de justice seigneuriale
1- Justice haute : le juge seigneurial peut juger toutes les affaires (au civil et au pénal) et prononcer toutes les peines, dont la peine capitale, celle-ci ne pouvant toutefois être exécutée qu'après confirmation par des juges royaux (appel obligatoire, porté devant les parlements).
2- Justice moyenne : le seigneur peut juger les rixes, injures et vols. Les délits ne peuvent être punis de mort. Pratiquement, la moyenne justice joue un rôle important au civil, notamment en matière de successions et de protection juridique des intérêts des mineurs : apposition de scellés, inventaire des biens des mineurs, nomination des tuteurs, etc.
3- Justice basse : le seigneur peut juger les affaires relatives aux droits dus au seigneur, cens, rentes, exhibitions de contrats et héritages sur son domaine. Il s'occupe aussi des délits et amendes de faibles valeurs (dégâts des bêtes, injures, amendes inférieures à 7 sols 6 deniers). Il doit posséder sergent et prison afin d'y enfermer tout délinquant avant de le mener au haut justicier.

Le tribunal seigneurial se compose, théoriquement, de trois personnes :
- Le juge, appelé parfois prévôt, bailli, sénéchal, qui prononce la sentence.
- Le procureur, appelé procureur fiscal, représente le ministère public, et engage les poursuites.
- Le greffier, qui transcrit les jugements et tient les archives de la justice.

2- Echevin (eschevin) : Au Moyen Âge, c'est un magistrat chargé de la police et de la justice seigneuriale. Il est le plus souvent choisi et nommé par celui qui possède le fief ou élu par les bourgeois. Ils furent abolis à la Révolution et leurs attributions passèrent aux maires et aux conseils municipaux. Procureur d’Office : Procureur de la justice seigneuriale locale. Procureur fiscal : Officier d’un seigneur haut-justicier chargé de l’intérêt public et de celui du seigneur

3- Coustre de l’Eglise (ou cousteur ou coutre) : c’est le sacristain qui a soin de garder l’Eglise, sonner les cloches, de fermer les portes.

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